IRRITANT : courtoisie et bonnes manières des taxis parisiens

En attendant un taxi à Paris dans une station cette semaine, je me suis intéressé au panneau d'informations à la clientèle et j'ai fait pour vous une photo du chapitre "Courtoisie et bonnes manières" qui vaut un billet de la catégorie "Irritant". A lui seul, le nom de ce paragraphe évoque la façon de parler d'il y a cinquante ans, un côté un peu suranné.

Suranné comme le combat d'arrière garde des taxis contre les nouveaux entrants sur le marché, les fameux "véhicules de tourisme avec chauffeur" qui ont provoqué l'ire des taxis parisiens au mois de février dernier.
Les taxis sont prisonniers d'un système qu'ils ont bâti avec un ticket d'entrée important (la licence qui permet d'exercer d'une valeur estimée de 50.000 à 230.000 euros) qui les oblige à défendre leur pré carré alors que la demande et les besoins des clients évoluent.
Je me disais que plutôt que de se plaindre, bloquer les routes et peser sur les pouvoirs publics pour ne pas agir, les taxis parisiens feraient bien de faire évoluer leur prestation de service.
Si j'en crois le panneau d'information (en illustration de ce billet), on en est loin :
"Le chauffeur n'est pas obligé de mettre vos bagages dans le coffre du véhicule. Il lui est toutefois recommandé de faire preuve d'une certaine courtoisie."
La formulation pourrait donner lieu à un sketch humoristique ou à une lecture à la façon de Fabrice Luchini.
Le chauffeur de taxi parisien N'EST PAS OBLIGE de mettre vos bagages dans le coffre, sachez le. Les progrès de la technique lui permettent dans certains cas de déclencher l'ouverture du coffre à distance, ce qui est un service qu'il peut vous rendre avec plaisir (non indiqué sur ce panneau). Sachez que la prise en charge des bagages donne lieu à un supplément à partir du 2ème bagage. Vous êtes alors obligé de payer mais le chauffeur n'est pas tenu de mettre le bagage dans le coffre, c'est ce qu'on appelle "une bonne manière".
 "Il lui est TOUTEFOIS", c'est à dire "en considérant toutes les raisons, toutes les circonstances, et malgré elles", comme l'indique le Petit Robert. Je ne saisis pas le lien entre les bagages et la courtoisie, à moins que le fait de mettre les bagages dans le coffre puisse l'irriter et le détourner de sa mission première, ce qui est dommageable pour le client.
"Il lui est toutefois RECOMMANDE de faire preuve d'une certaine courtoisie". Nous sommes ici dans la recommandation, c'est à dire, selon le Larousse, "conseiller vivement quelque chose à quelqu'un".
Je souscris totalement à cette formulation dans le sens ou il faut conseiller vivement aux taxis de se démarquer de la concurrence et de rendre la vie plus agréable aux passagers.
Notons en outre, et là c'est vraiment un sommet, qu'il ne s'agit pas de faire preuve de courtoisie mais d'une "CERTAINE courtoisie", libre à chaque chauffeur d'apprécier le niveau de son attitude. Je reconnais que la plupart des taxis que j'emprunte à Paris font preuve d'une "certaine" courtoisie. Par exemple lors de mon trajet cette semaine dans un taxi sale, le chauffeur m'a demandé très poliment de trouver sur mon téléphone la nouvelle rue d'une zone d'activité qui ne figurait pas sur son plan.

Les 17.636 taxis parisiens font face à une concurrence nouvelle qui se démarque par le service et n'oserait jamais écrire des propos comme ceux que je relève ci-dessus.

  • Le Cab, leader des Véhicules de tourisme avec chauffeur, indique sur son site : "Nous essayons de vous apporter une qualité de service qui va au-delà du service traditionnel à bord d'un taxi, avec un chauffeur prévenant, courtois et discret." Ils indiquent offrir des services à bord : "connexion Wifi, le chargeur Smartphone (iPhone, Androïd, BlackBerry), iPad en accès libre qui permettent de choisir la musique et de contrôler le volume, d'accéder à Internet mais aussi de profiter des applications (Presse, Tv, Jeux…) et lire les dernières éditions d'information en ligne."
  • Snapcar, autre acteur du marché, précise sur son site : "Chauffeurs discrets et courtois, élégants et soignés. Maîtrise de l’anglais. Nous sélectionnons rigoureusement nos chauffeurs et suivons leurs performances, notamment grâce aux évaluations de nos clients."
  • Taxibeat, tout comme Snapcar communique sur le fait que les clients peuvent noter les chauffeurs et ajoute qu'on peut choisir son conducteur : "Le client est roi. Pour la première fois, c’est vous, le passager, qui choisissez votre taxi en fonction de vos préférences et surtout de vos besoins. Taxibeat vous offre la possibilité de choisir votre conducteur selon plusieurs critères, comme les évaluations qu’il a reçues, son type de véhicule, les services disponibles à bord (siège bébé, accès handicapés, animaux domestiques, Wifi, etc.)...".
  • Uber, la société américaine installée à Paris depuis 2 ans, annonce sur son site : "Vos chauffeurs : des professionnels passionnés pour une expérience inoubliable. Uber travaille avec des chauffeurs passionnés, qui ont à cœur la satisfaction de leurs clients.". A noter qu'aux Etats-Unis les chauffeurs sont notés mais notent les clients, bientôt en France ? (Ajout à ce billet : on me signale que c'est déjà le cas en France)
Notons que les compagnies font un certain nombre d'efforts. Les Taxis G7 annoncent "Les chauffeurs, bien qu'indépendants, sont constamment sensibilisés à la démarche qualité de l'entreprise". La compagnie est certifiée ISO 9001, et "offre l'assurance d'une organisation structurée, efficace et résolument orientée vers la satisfaction de ses clients" (Phrases relevées sur le site). Les Taxis bleus énumèrent les points de sa charte de qualité et on peut lire dans la rubrique "Attitude et comportement" : "Le chauffeur du réseau "Les Taxis Bleus" a en toute circonstance une attitude commerciale et courtoise vis à vis du client qui souhaite bénéficier de ses services. Il recherche en toute occasion à faire valoir le professionnalisme qui caractérise le réseau d'affiliés.".

Sur le marché des taxis des grandes métropoles, les attentes et les capacités des clients évoluent à grande vitesse, ce qui a pour conséquence d'augmenter le niveau d'exigence sur le service. Je note qu'aucune compagnie ou entreprise ne communique sur des rituels de service et que nous sommes encore loin des gants blancs des chauffeurs japonais et des écrans tactiles au dos des sièges à New York...
La profession réglementée des taxis est un lourd handicap pour les taxis eux-mêmes qui ne semblent pas prendre conscience -pour une bonne part d'entre eux- de la nécessité de se démarquer sur le service rendu au client. J'espère qu'ils ne mettront pas autant de temps à faire cette révolution qu'à mettre des lumineux verts et rouges sur les toits (lire mon billet à ce sujet), un des rares signes d'intérêt pour le client dans les 150 dernières années.