Podium Relation Client 2014 : la quête du geste parfait de Nespresso

C'est une espèce de retour par le haut que TNS Sofres et Bearingpoint ont tenté lors de la nouvelle édition du Podium après 20 mois d'absence.
Annonçant un haut patronage du Ministre du Redressement productif, et invitant les gagnants dans une salle de conférence du Ministère de l'Economie et des Finances à Bercy, les organisateurs ont déclaré avoir "affiné" la méthodologie depuis la précédente édition qui s'est tenue le 7 juin 2012 (lire mon billet). Cette méthodologie se base sur un "nouveau modèle de performance en 3 piliers" :
  • L’exécution avec 7 critères dont 3 qui n’ont pas changé depuis 2003 (rapidité, capacité à répondre correctement en une fois, et réponse adaptée), et de nouveaux critères centrés sur le sens donné aux différents canaux de contact, leur orchestration, leur spécialisation, puis la facilitation et l’effort du client. 
  • Le lien avec 4 critères : des critères existants, transparence, clarté, proactivité auxquels TNS Sofres a ajouté la dimension de co-création. 
  • L’émotion avec 3 critères.
Parmi les nouveautés, signalons un changement de logo (plus exploitable pour les marques gagnantes, une leçon de marketing retenue de "Élu service client de l'année") et la disparition de deux catégories (Fournisseur Accès Internet et Téléphone Fixe et Téléphonie Mobile).
Ce qui ne change pas : il s’agit d’une étude basée sur la perception des clients des marques (en l’occurrence 4.000 personnes), c’est un label indépendant (pas besoin de candidater), et enfin, c’est un prix trans-sectoriel avec le maximum de critères communs.
Eric Falque, Président de Bearingpoint, rappelait l'ambition première de ce prix qui célèbre son 10ème anniversaire en 2014 : "Valoriser les métiers de la relation client et leur appréhension par les directions générales et dirigeants des entreprises". Entre le lancement de l'Institut de la Relation Client quatre jours avant (lire mon compte rendu) et cette manifestation, je vois le symbole d'une institutionnalisation de la relation client, dans le sens ou de plus en plus de représentants de directions générales s'engagent, s'expriment, et se montrent dans ces événements qui ne sont pas seulement des pince-fesses.

"Est-ce que ça paye d’investir dans la relation client ?" est l'une des questions les plus fréquemment posées à Eric Falque ces 10 dernières années selon lui. Pour répondre à cette interrogation, parmi les 140 entreprises notées, Bearingpoint a pris les 15 premières et les 15 dernières cotées en bourse et a comparé la croissance moyenne annuelle entre 2010 et 2014 de la capitalisation boursière. Il en ressort une croissance de 23% pour les 15 entreprises classées en tête dans la relation client et seulement 1% de croissance pour les 15 dernières (les entreprises du CAC 40 quant à elles, ont fait pendant cette période +4%). J'invite les lecteurs de ce billet à copier et envoyer ce paragraphe à leurs collègues les plus hostiles aux investissements dans la relation client.

Les leçons du podium 2014 selon TNS Sofres
  • Premier enseignement : depuis une dizaine d’année, la hiérarchie n’a pas beaucoup changé. L’assurance est toujours en pointe avec une note de 7 sur 10 cette année, suivie de l’automobile (à 6,8), la banque, le tourisme et la distribution spécialisée (6,7 en moyenne pour ces 3 secteurs). Viennent ensuite : la grande distribution avec 6,4, les transports avec 6, les entreprises de service (5,9) et le service public (5,4). 
  • Deuxième enseignement : on observe une différence entre le secteur privé et le secteur public. En 2003, l’écart était de 0,6 point, il est aujourd’hui de 1,2 point ("malgré les nombreuses initiatives dans le domaine des secteurs publics" comme le faisait remarquer Arielle Bélicha Hardy de TNS Sofres ajoutant que "certains acteurs obtiennent des notes comparables à celles d’entreprises du secteur privé"). 
  • Troisième enseignement : il n’y a pas de fatalité lorsque l'on appartient à un secteur d’activité si on en croit les écarts entre le meilleur et le moins bon. Le plus grand écart se trouve dans la distribution spécialisée (1,6) et le plus faible dans la banque (0,5). La présentatrice faisait remarquer que l’écart dans le secteur bancaire était plus important auparavant. Son analyse étant : "malgré les investissements et les efforts dans la relation client de ce secteur, c’est plus difficile de tirer son épingle du jeu lorsqu’on est une banque". Le fait est que le niveau moyen des banques n’est pas mauvais, mais il m’arrive souvent de faire remarquer que nul n’est capable de citer spontanément une banque remarquable pour sa relation client. Ce résultat me fait penser à celui de l’étude de l’Académie du service qui montrait que le secteur bancaire était mal noté au global et mieux noté dans le détail des attitudes de service (voir les résultats). 
Dans un exercice de prospective à dix ans, les organisateurs nous ont livré leurs points de vue :
  • Les entreprises seront confrontées dans le futur à deux phénomènes : la sur-accélération d'une part, qui a pour conséquence de raccourcir tous les délais et forcer les entreprises à entrer la course à la survie pour certaines (70% des entreprises du classement "Fortune 1000" de 2003 ont disparu en 2013). La surabondance d'autre part : surabondance croissante des points de contact, des offres et des données. 
  • Les 3 leçons des entreprises qui performent sont : 
    • La confiance à rétablir. Les entreprises qui réussissent se positionnent comme tiers de confiance, font confiance aux clients pour participer, aux parties prenantes pour innover. Se 
    • La capacité à prédire, à anticiper (les questions clients, leurs achats, leur comportement…) et à se projeter. Importance d’investir dans l’intelligence artificielle, la capacité de calcul et d'identification des signaux faibles. 
    • La contextualisation, ou capacité à savoir ce que fait son client en permanence tout en protégeant l'exploitation de ses données, et capacité à paramétrer un certain nombre de choses pour rendre service au client. 
Les 9 lauréats des premiers prix par secteur sont :
  • Secteur Banque : Crédit Mutuel (qui remplace Crédit du Nord). Daniel Baal, son Directeur Général Adjoint déclarait sur scène : "Dans notre activité, c'est la relation de confiance qui est essentielle. Nous sommes très clairement dans le multicanal, mais nous veillons à ce que le chargé de clientèle soit au cœur de la relation, qu'il soit le garant de la qualité, et ce, quel que soit le moyen avec lequel le client s'adresse à sa banque. Les rapports ne sont pas anonymisés parce qu'ils passent par le numérique. Pour les moments les plus importants de la relation, comme l'achat de sa résidence principale, on ne peut pas imaginer que le relation soit autre chose qu'un tête-à-tête dans un bureau".
  • Secteur Entreprises de Service : La Poste (pour la deuxième fois consécutive). George Lefebvre, Délégué Général du Groupe intervenait en ces termes : "Après avoir mis en place un accueil proactif en bureau de Poste, nous allons vers le projet 100% de réception choisie. Après le service rendu à l'expéditeur, nous voulons que le destinataire, choisisse le jour, l'heure, la personne choisie pour la réception."
  • Secteur Transport : Eurostar (comme lors de la précédente édition). Mikaël Lemarchand, Directeur des gares "A chaque point de contact avec nos clients, nous avons l'ambition d'être très bons, excellents dans l’exécution de façon à créer une émotion. Ça passe par la culture et la formation des équipes. (...) Nous avons une connaissance fine de nos clients et leur proposons de nous évaluer à chaque moment."
  • Secteur Tourisme : Disneyland Paris (FRAM avait été distingué la fois précédente). Pour les 15 millions de clients  de tous les âges (dont 30% viennent sans enfants) chaque année, "notre défi est de gérer l'émotion. Plus que des systèmes d'information, c'est l'implication des employés (les "cast members"), et la qualité de la relation qui vont changer les choses." déclarait Julien Kauffmann, Vice-Président, Revenue Management et Analyse.
  • Secteur Service Public : CNAV (L'assurance retraite) pour la sixième année consécutive. Pierre Mayeur, son Directeur répondait aux questions du présentateur : "On essaye de manier des systèmes de plus en plus digitalisés et une relation humaine personnalisée. Chaque personne doit être prise en compte ; le fondement de notre activité est le respect de la personne humaine. La relation client, le contact ce n'est pas inné. Nous faisons des efforts de formation pour nos agents qui font face parfois à des situations difficiles."
  • Secteur Assurance : MAIF (invaincue depuis 10 ans), 7.000 salariés, 3 millions de sociétaires qui fête ses 80 ans cette année. A une question posée sur l'émotion, Roger Belot, le Président de la mutuelle championne de la relation client répondait "L'émotion existe sous forme de stress chez le sociétaire qui connait un sinistre. Nous sommes des vendeurs de promesses. C'est à la survenance du sinistre -le moment le plus crucial- que l'assuré va vérifier si nous sommes à la hauteur. Notre mission est de rassurer, d'expliquer en prenant le temps, faire preuve d'attention. A la fin de cet échange, le stress du départ se termine en émotion positive."
  • Secteur Automobile : Toyota (250 points de vente, 4.000 personnes), dont c'est le grand retour sur un podium de la relation client en France (en 2008 et 2009, c'était l'entreprise qui avait eu le plus de prix) succède à Mercedes-Benz. Pascal Ruch, Président Directeur Général cite le Président japonais Akio Toyoda : "Le plus important pour nous n'est pas de vendre plus de voitures mais d'avoir plus de clients satisfaits, et le reste viendra automatiquement"
  • Secteur Grande Distribution : E. Leclerc détrône Système U. Michel-Edouard Leclerc, son célèbre Président était présent pour la remise de prix. Sa présence est un bon signe à mes yeux car elle illustre à nouveau la sortie de la discipline de la relation client de son territoire désormais trop étriqué des outsourceurs et des outils de CRM. Il s'est fendu d'un discours assez bien senti :  "Le prix est incontournable mais il ne résume pas l'ensemble des pratiques. La relation client c'est ce qui fonde l'utilité sociale des entreprises. Il y a un discours de la marque qui fait du marketing, mais la relation client c'est ce qui fonde l'utilité sociale de nos entreprises. Ça va redevenir la clé de lecture de la performance de l'entreprise. The rest if noise. Nos adhérents parlent à nos clients comme à des personnes plus qu'à des clients marchands.(...) Le client, le consommateur, le citoyen, veut s'approprier la décision, il attend que vous lui donniez les moyens de la preuve et ensuite, il choisit. Internet crée une expérience relationnelle dans laquelle le consommateur est expert. On a perdu le monopole de l'expertise."
  • Secteur Distribution Spécialisée : Nespresso. Arnaud Deschamps, son Directeur Général, passionné par la relation client (lire son interview sur mon blog), venait à nouveau chercher le prix dans sa catégorie et le grand prix 2014. Parmi les personnalités présentes, je pense que c'est lui (avec le Président de la MAIF) qui porte le discours le plus fort sur la relation client. Jugez-en plutôt : "La relation client crée de la valeur pour l'entreprise. Quel que soit l'endroit pris dans notre chaîne de valeur, du fermier à qui nous achetons notre café 40% plus cher jusqu'au spécialiste café, il y a la relation client. Notre service doit être à la hauteur de notre produit, et pourquoi pas meilleur, c'est le défi que nous nous sommes lancé ! Dans la chaîne de valeur, il y a ce que nous appelons la quête du geste parfait : du fermier du Costa Rica qui cueille la cerise de café délicatement avec deux doigts, jusqu'au spécialiste café dans la boutique qui tient le sac des deux mains.". Cette quête du geste parfait, qu'Arnaud Deschamps avait révélé au public lors d'une conférence à Bercy que j'animais avec lui (pour l'AMARC à l'occasion des rencontres de la qualité) est véritablement le pilier de la culture de son entreprise. Je vous invite à voir le film qui illustre son propos dans la rubrique carrières/recrutement. C'est une réussite et un exemple pour tous !
Le classement général du Podium Relation Client est cette année le suivant :
  • 1er prix : Nespresso
  • 2ème prix :  MAIF 23 7 minutes
  • 3ème prix : Amazon (qui fait son retour sur le podium) et dont le représentant sur scène déclarait "Quatre leviers permettent de gagner la confiance : la qualité de l'offre et le choix, avec 107 millions de références dans 28 catégories (dont animalerie et bricolage récemment), le juste prix, les services innovants (Kindle, cloud, abonnements...) et enfin la qualité de l’exécution opérationnelle (le service client est au centre de nos décisions et les 5.500 employés en France incarnent ce service client, la logistique et nos 4 entrepôts...)". A une question sur la co-création, le représentant d'Amazon répondait qu'Amazon avait "inventé les avis clients", ce qui n'est pas faux, tout au moins sur Internet.