Les clients qui font payer leur mécontentement

Je voudrais voir, à la manière de Philippe Cahen, spécialiste en prospective, un signal faible dans deux histoires récentes relevées pour vous.
J'en profite pour vous signaler la sortie de son dernier livre "Les secrets de la prospective par les signaux faibles", paru aux Editions Kawa il y a quelques jours, que je vous recommande.

Un client mécontent casse sa voiture
Samedi dernier, à l'entrée du salon de l'automobile de Francfort, Pourmohseni Hadi, un homme d'affaires iranien, a détruit sa BMW d'une valeur de 118.000 euros (recouverte d'un autocollant revendicatif sur les lois inadaptés) sous l’œil des caméras et des smartphones du monde.
Ce client vivant en Italie se plaint depuis 4 ans de vibrations dans la voiture qui le rendent malade. Il prétend avoir signalé son souci aux ateliers italiens qui lui auraient répondu qu'il n'y avait pas de problème dans son véhicule. Il raconte avoir écrit au siège social de BMW à Munich et n'avoir pas eu de réponse. Craignant une procédure légale longue et coûteuse, il a décidé de passer à l'action.
Accompagné par un ami et munis d'une hache et d'un marteau, il déclare à la presse allemande "J'ai écrit une lettre sans réponse. Maintenant je réponds !".
La vidéo de la destruction de sa voiture a été vue à ce jour par 2,1 millions de personnes sur YouTube en 8 jours, ce qui fait de Monsieur Hadi un sérieux compétiteur dans la catégorie des videos de clients mécontents. Je rappelle que le record est détenu par mon ami Dave Carroll, le canadien dont la guitare a été cassée par United Airlines, et qui vit désormais de ses conférences et formations en relation client (lire mon billet à ce sujet).  Il totalise à ce jour 13,4 millions de vues pour sa chanson-réclamation "United breaks guitars".
Notons que l'homme d'affaires n'est pas le premier a faire cet exploit. Un client chinois avait détruit sa Lamborghini Gallardo d'une valeur de 500.000 euros devant les caméras en 2011.

Un client agacé fait payer les appels reçus
Outre Manche, Lee Beaumont a eu l'idée d'ouvrir à son nom une ligne téléphonique payante et surtaxée (10 pences la minute, avec un bénéfice pour lui de 7 pences, soit 80 centimes d'euros). Irrité par les appels qu'il jugeait trop nombreux (une trentaine par mois) des sociétés faisant du marketing téléphonique, et motivé par le fait qu'il travaille à son domicile, il fait désormais payer aux entreprises en quête de nouveaux clients un supplément pour leur prospection.
Il aurait récolté plus de 350 euros depuis l'installation de cette ligne il y a 2 ans et les appels reçus par mois seraient tombés à une dizaine.

Les clients ne manquent pas d'imagination ni de motivation (et de moyens financiers pour l'un des deux cités) lorsqu'ils sont mécontents, comme le montrent ces deux exemples.
La source du mécontentement du client de BMW est la même que celle de Dave Carroll avec sa guitare : ils se sentent impuissants et méprisés, et n'ont d'autre choix que de rendre publique leur insatisfaction.
Internet est la caisse de résonance de l'expression du client, comme je le développais dans un billet à ce propos ("la parabole du surfer d'argent") : nous sommes entrés avec les médias sociaux dans ce que j'appelle le Nouvel âge de la relation client.

L'action "terroriste"
Le client agit contre l'entreprise comme un terroriste face à une armée régulière. Il s'agit d'une forme de guerre asymétrique : un point de vue développé dans l'excellent livre d'Emmanuel Bloch "Communication de crise et médias sociaux". Nulle marque n'est à l'abri d'une action spectaculaire qui va trouver immédiatement un écho sur la toile, provoquant des dégâts considérables pour l'image de la marque. Et fatalement, plus l'entreprise aura une forte notoriété, plus l'audience sera large.

La volonté de reprendre la main
Dans le cas du client britannique, il illustre à mon sens la tendance des clients qui veulent reprendre la main en quelque sorte sur la relation qu'ils entretiennent avec les marques. J'y vois un signe du VRM (le Vendor Relationship Management) annoncé dans lequel on prétend que les clients reprendraient la main sur leurs données et traiteront les marques comme leur fournisseur potentiel.

La question pour les marques est d'avoir conscience de ces phénomènes. Une relation client attentionnée et le recueil permanent de son expression sur tous les points de contact sont des remparts efficaces contre ces débordements. Encore faut-il avoir les bons circuits d'information et les alertes adéquates dans les organisations pour détecter une crise potentielle et la maturité pour gérer celle-ci lorsqu'elle arrive.

Etes-vous prêt ?