La Zumba du client, ou l'omnicanal dans la distribution en 10 chiffres

Je cède à l'ambiance latine du moment pour partager avec vous les dernières données disponibles à propos de l'état de l'omnicanal dans la distribution. Doté de nouveaux pouvoirs, enrichi dans son parcours, en attente de fluidité, le client peut opter désormais pour de nouvelles combinaisons (relire mon billet de tendances 2014 "le client sera Mix") qui requièrent pour les entreprises une souplesse digne de la Zumba.

Les chiffres issus d'études dans la distribution font florès actuellement, un phénomène dû au fait que ce secteur est très exposé, que chacun d'entre nous y fait régulièrement une expérience (et donc on s'y retrouve) et qu'il connait plus que les autres de grandes mutations liées à la croissance du e-commerce.

Du point de vue du client

1) La préparation de l'achat est devenue un rituel. 75% des clients font des recherches sur Internet avant de visiter un magasin et lisent les notes et avis consommateurs en particulier (selon Baynote). Le client en sait de plus en plus et s'attend à une véritable valeur ajoutée lors de son achat. C'est ce qui pousse les professionnels à investir le domaine de l'expérience client et les fait réfléchir sur le rôle des employés sur la surface de vente.

2) Les clients habitués aux rebonds du multicanal. La proportion de clients qui visitent exclusivement le site d'une enseigne de distribution augmente (elle est à 24%), alors que celle des clients qui ne se rendent qu'en magasin baisse (29% de visiteurs sur une période de 3 mois). La proportion de clients qui visitent le site ET le magasin, quant à elle, reste stable à 47% (selon Fullsix). C'est le chiffre le plus évident lorsqu'on le lit avec des yeux de client, et le plus inquiétant lorsqu'on l'étudie sous l'angle professionnel. Si la moitié des clients visitent les deux canaux principaux, il faut qu'ils soient au moins sur le même ton, dans le même style, avec les mêmes informations. C'est le défi le plus basique du décloisonnement : faire passer ce chiffre aux directeurs de magasin et au responsable du site Internet et faire en sorte qu'ils se parlent.

3) Le ROPO domine. Le comportement qualifié de "ROPO" (Research on line, purchase off line, je cherche sur Internet et j'achète en magasin) domine toujours. Huit Français sur dix achètent exclusivement en magasin (source Fullsix). Un chiffre a interpréter avec soin car il indique que les clients veulent toujours réaliser la transaction dans le monde réel, ce qui peut aveugler ceux qui n'investissent pas sur le canal Internet, fréquenté par 7 clients sur 10.

4) La mixité des achats augmente. 10% des clients achètent uniquement sur Internet et 12% en "cross-canal" - magasin ET Internet (une proportion en hausse, selon Fullsix). C'est ce chiffre qui doit nous alerter sur les enjeux de la fluidité des parcours client. Par ailleurs, les efforts faits dans le domaine du cross-canal sont récompensés, si on croit une étude réalisée par Deloitte pour eBay qui nous apprend que les clients qui achètent sur tous les canaux, dépensent jusqu'à 50 % de plus que ceux qui se cantonnent à un seul canal. Chiffre à transmettre à votre direction financière...

5) Moins de temps pour le shopping dans le monde réel. 59% des hommes préfèrent effectuer leur shopping en moins d'une heure. Les femmes sont 37% à vouloir y passer autant de temps, alors qu'elles étaient 23% en 2013, selon l'Observatoire du Shopping Unibail Rodamco. On parle ici du canal physique, le magasin, où l'on observe que le client, s'il ne tourne pas le dos au plaisir du shopping et au coup de coeur, est de plus en plus pressé. La zumba du client ne se danse pas comme un slow !

6) Les clients mettent à profit leurs appendices. 50% des acheteurs en magasin utilisent leur mobile ou leur tablette (deux fois plus qu'en 2012, selon une étude de Wincor Nixdorf et l'Ifop qui viennent de publier la cartographie du parcours du client). Fullsix, quant à lui, précise que 22% des Français utilisent leur téléphone portable en magasin "pour comparer les prix d'une enseigne avec ceux d'autres marques ou sites Internet". Le smartphone confirme son rôle de télécommande universelle à l'usage d'un client qui attend une expérience enrichie visant à réduire ses incertitudes et ses doutes. Face à cet enjeu, on notera qu'il subsiste encore 13% des distributeurs étudiés par iVentures (dans son excellent e-shopper index) qui ne disposent pas de version mobile de leur site e-commerce.

7) Les clients près à une relative autonomie. 69% des clients font des recherches sur Internet pour éviter d'avoir recours à un vendeur (selon Baynote) et selon l'Observatoire Cetelem, plus du tiers des Européens sont prêts à payer sans passer à la caisse, rien qu’en scannant le code-barres du produit avec leur smartphone. Ajoutons ce chiffre de l'IFOP sous un autre angle : 65% des clients sont favorables à la possibilité de régler directement ses achats au vendeur sans passer par la caisse. Il s'agit ici de griller certaines étapes du parcours client et faire le moins d'effort (lire mon billet sur l'effort du client).

8) Les clients motivés par une assistance humaine et experte.  Selon Cetelem, un accompagnement en magasin est souhaité par les trois quarts des Européens et une expertise est réclamée par les deux tiers. Selon cette étude IFOP de juin 2014, la moitié des clients préfèrent payer à un caissier ou une caissière. Face à un client aux capacités "augmentées" (cf mon article à ce sujet), la relation client d'exception est bien la seule issue des points de vente physiques. Le magasin n'est pas mort ! (comme le disait Catherine Barba dans son excellent livre paru il y a 8 mois).

Du côté des entreprises.

9) Les solutions "omnicanal" en cours d'adoption. A propos de fluidité de l'expérience, 40% des entreprises ayant un site d'ecommerce et des magasins, proposent le retrait du produit et 54% le retour d'un produit en point de vente. L'effort pour les entreprises est considérable car il implique des évolutions logistiques et informatiques majeures, mais une organisation sur deux a pris le chemin de l'omnicanal et pris une avance qui pourra s'avérer déterminante.
Sur Internet, l'aide en ligne est peu développée : 35% des entreprises du panel international de iVentures proposent le chat et 11% le click to call en tant qu'aide en ligne. Si le digital est arrivé dans les magasins, le recours à l'humain peine à se développer sur le canal digital.

10) Les ruptures du parcours. 53% des entreprises "pure players" ou "bricks and clicks" présentent des points de rupture importants dans les parcours client (sur 130 acteurs étudiés par le eshopper index 2014), conséquence d'une expérience qui n'est pas encore pensée en omnicanal, "sans coutures", selon l'expression. Le mouvement est inéluctable et l'enjeu est d'apprendre à tous les acteurs de l'entreprise à adopter le rythme du client, que ce soit la Zumba ou la danse classique. Et pour cela, l'agilité physique mais aussi intellectuelle sont requises.