Gilbert Coqalane écrit aux SAV : un livre pour rire...et pour pleurer

Des lettres de réclamation compilées dans un livre, c'est suffisamment rare pour être signalé. L'auteur est un "artiste plasticien", ce qui l'affranchit d'une certaine manière de devoir rendre des comptes aux entreprises dont il a brisé le secret de la correspondance dans "Gilbert Coqalane écrit aux SAV". Gilbert Coqalane est donc l'auteur d'une compilation assez inédite de lettres de réclamations mises en regard des réponses des marques. C'est une démarche artistique qui me fait d'ailleurs penser à une artiste que j'apprécie, Sophie Calle. Voici les bonnes raisons de lire le livre "Gilbert Coqalane écrit aux SAV" :

  1. Parce qu'il dresse un panorama complet. Notre artiste réclamant a écrit à 852 personnes ou entreprises sur des sujets "loufoques, poétiques et hors norme" (pour le citer). Il publie dans ce livre plus de 60 réponses (ainsi que la liste de ceux qui n'ont pas répondu) à des lettres envoyées de 2010 à aujourd'hui. A sa manière, il vient compléter une collection commencée avec le -très réussi- livre "130 lettres caustiques et cocasses à la SNCF", qui lui, publiait les lettres de clients adressées à la SNCF. Ce nouveau livre, par la variété de ses "cibles", est un bel échantillon du traitement des réclamations.
  2. Parce qu'il est un terrible révélateur. La plupart des courriers obtiennent une réponse au mieux neutre ou à côté de la plaque, et au pire dans un style qui transpire le mépris total. La moitié des réponses publiées dans ce livre sont le fait d'entreprises qui montrent en effet à quel point elles méprisent le client. La lettre de réponse est standard, froide avec des formules issues d'une bibliothèque, et prouve que la lettre n'a pas été lue ni comprise du tout. Les plus grandes entreprises dans le secteur des produits de grande consommation y sont les plus représentées : c'est d'autant plus affligeant que le volume de courriers reçu n'y est jamais très important. Les réponses doivent être confiées à des personnes non qualifiées ou des sous-traitants mal payés, et un robot ne ferait pas mieux. Le sentiment qui s'en dégage est un certain malaise et on y trouve les racines de la défiance dont les consommateurs font preuve (lire mon billet "le client sera concerné").
  3. Parce qu'il s'inscrit dans une tendance. Dans mes tendances de la relation client 2014, je prétendais que "le client sera trace", en faisant référence au fait que de plus en plus de clients rendent public leurs échanges avec les marques, laissant une trace indélébile, faisant et défaisant les réputations. Internet et les médias sociaux sont devenus une caisse de résonance extraordinaire pour les clients mécontents du monde entier. Rappelez-vous Dave Carroll, le malheureux client de United Airlines qui totalise 14 millions de vues de sa video et qui a publié lui aussi ses mésaventures dans un livre (lire la chronique sur mon blog). Regardez la video de Kenny Martineau qui prend à témoin la toile pour raconter ses mésaventures avec le Crédit Mutuel, il totalise quant à lui plus de 1.1 millions de vues sur Youtube. Découvrez le tout nouveau site L'énervée, le blog d'une "consommatrice un peu aigrie" qui écrit aux grandes marques. Les entreprises doivent s'attendre à ce que la conversation qu'ils entretiennent avec leurs clients se fasse sur la place publique, sur la toile comme dans un recueil, dans la veine du livre dont je parle aujourd'hui.
  4. Parce qu'il fait rire. Certains (et trop rares) échanges sont vraiment drôles et montrent à quel point certaines personnes peuvent avoir le sens du client par leur humour. Je citerais Casio qui fait une réponse magnifique à propos des boutons d'acné et des touches des calculatrices. On sent la connivence et l'humour dont font preuve les personnes en charge de la réponse, de quoi inspirer aux professionnels une attitude exemplaire. Le service consommateurs des entreprises qui ont fait preuve d'humour (comme Casio mais aussi comme Ducros ou Montblanc qui sont d'autres bons exemples) voient leur sens du client récompensé par ce livre. L'auteur, avec qui j'étais invité lors d'une émission sur Europe 1 (écoutez en suivant ce lien) avouait avoir passé de bons moments à écrire et avoir beaucoup ri en recevant les réponses.
  5. Parce qu'il offre un benchmark utile. Les réponses des entreprises donneront aux professionnels de la réclamation de quoi se réjouir et pourront faire de l'adage de Talleyrand "Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console" la conclusion de leur lecture. Lorsque je dirigeais un service consommateur, j'incitais mes collaborateurs à écrire des courriers de réclamation pour apprendre et s'enrichir par ce benchmark gratuit. Ce livre est une belle compilation de traitements de la réclamation qui pourrait bien s'inscrire dans des modules de formation des professionnels. Je ne saurais que trop recommander aux membres de l'AMARC (Association pour le MAnagement de la Réclamation Client) de se le procurer !
  6. Parce qu'il nous inspire quelques bonnes pratiques. Je ne peux pas écrire ce billet sans évoquer le fait que certaines lettres sont vraiment embarrassantes ou grossières, ce qui je l'avoue est une véritable épreuve pour les marques. Que la marque Petit Bateau, par exemple, soit félicitée ici pour son sang froid face à une lettre épouvantable (ce qui n'est pas le cas de la SPA qui prend la mouche si je puis dire). Je note par ailleurs que certaines marques ont pris soin de faire des recherches sur l'auteur du courrier. Elles font références dans leur réponse à cette recherche et de ce fait savent qu'elles ont affaire à un client provocateur. C'est une technique essentielle que j'ai utilisé moi-même dans le passé. Lorsqu'un message de client est outrageux, il vaut mieux passer un peu de temps en recherches sur Internet et dans 90% des cas on découvre l'identité ou les intentions réelles du réclamant. Ce qui permet de faire une réponse plus personnalisée et évite de se retrouver dans un florilège comme celui-ci !
  7. Parce qu'il nous rappelle que certaines marques sont toujours au rendez-vous. Quand on arrive sur la page consacrée à la lettre envoyée à Leroy Merlin, on se doute que la réponse sera à la hauteur. Leroy Merlin s'illustre en effet depuis des années pour la qualité de sa relation client. Sa responsable de la voix du client, Maria Flament, que j'ai pu interviewer sur mon blog en 2010 y déclarait "Avoir le sens client c’est : écouter ce qu’il nous dit, répondre à ses attentes, le «recevoir comme un ami», entendre ses suggestions, l’impliquer dans les progrès de l’entreprise et c’est enfin le respecter en tant qu’individu et non pas comme un «portefeuille»". La réponse de son service qui se trouve dans ce livre est une simple preuve de ces propos.
  8. Parce qu'il illustre les occasions ratées. Une des grandes missions de ce blog est de rappeler à ceux qui ne font pas partie du cercle des convaincus de mes propos (c'est un cercle immense) que les marques n'investissent pas tous les points de contact avec les clients. Vous découvrirez dans ce livre quelques exemples malheureux de marques (bien souvent de grande consommation) qui investissent des millions dans la publicité et très peu dans leur service consommateur. Quand on connait l'effet du bouche à oreille, quand on sait à quel point une remarque d'un client est un cadeau fait à l'entreprise, on investit dans la relation client. Qui plus est, une étude d'Harris interactive nous rappelait que seulement 4% des clients mécontents prennent le soin de réclamer, et l'un d'entre eux en fait un livre qui devient une chronique d'un blog, une émission de radio, des articles de presse...
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