La symétrie des équipements : une expérimentation de la Poste

J'ai visité il y a quelques semaines un des 3 bureaux de poste parisiens "connectés".

Depuis le mois de février 2013, les postiers des bureaux de Paris Chambre-de-Commerce, Popincourt et Orgues-de-Flandre (où je me suis rendu à l'invitation de la Poste) sont les testeurs de nouvelles pratiques de conseil et de vente grâce à l’utilisation de terminaux tactiles. Certains employés sont équipés de grandes ou de petites tablettes, les deux formats correspondant à deux usages : le conseil et les opérations courantes. 

La tablette "Conseil" (une tablette Samsung 10 pouces ) qui aide au conseil des clients avec les fonctionnalités suivantes :
  • Aide à la vente du courrier et du colis, 
  • Conseil La Poste Mobile : catalogue des offres, devis, accès au site lapostemobile.fr  
  • Accompagnement des clients/prospects La Banque Postale sur le multicanal : présentation des services en ligne offerts sur le site labanquepostale.fr, familiarisation avec les outils digitaux, transformation de la relation client
  • Simplification de l’accès aux informations tarifaires. Les tarifs courrier, colis et banque sont à disposition des agents, ce qui simplifie et fluidifie la démarche de conseil et remplace les classeurs.
La Tablette Flash "opérations courantes" (Samsung Galaxy Notes II, photo ci-dessus). Plus mobile que les douchettes (l'outil qui permet de scanner les codes barres), moins encombrante que les flasheurs, elle permet :
  • Le retrait et le dépôt de plis ou de colis qui nécessitent une identification,  
  • Le déplacement du processus de vente dans les linéaires hors de la zone de la caisse, 
  • L’accès à des applications supports internes pour une information centralisée, à disposition à tout moment pour les collaborateurs.   
L’objectif est de fluidifier l'acte de conseil et l’acte de vente, gagner du temps et améliorer la concrétisation des ventes. Il s'agit pour l'instant d'un test avec trois bureaux de poste considérés comme des laboratoires et situés dans des environnements très différents, avec l'aide d'une équipe dédiée au sein de la Poste pour travailler en collaboration avec les équipes terrain, les équipes informatiques, et les designers-ergonomes. Depuis février, ce développement "en mode agile" (on compte plus de 6 versions de l'application depuis la version 0 du mois de février) permet de tester les formats des tablettes, l'appétence des clients et celle des collaborateurs.

Ce qui est remarquable à mon sens, c'est que les interfaces et les applications sont élaborées avec les utilisateurs en contact avec les clients. Ce n'est pas une innovation imaginée par des têtes pensantes de la relation client qui tombe du jour au lendemain et qui décrètent que le point de vente est digitalisé ou connecté, c'est une innovation participative au plus près des usages réels du client et du collaborateur.

Deux bonnes histoires de client
J'ai bien senti en discutant sans langue de bois avec les équipes du bureau de Poste, une certaine fierté à montrer ces nouveaux instruments de travail. Ils me racontaient deux histoires très significatives.
  1. Un client arrive avec son avis de passage dans le bureau. Le poster vient vers lui, sort sa tablette, scanne le code barre sous ses yeux. Le client lui dit "mais pourquoi vous prenez une photo de mon papier ?". Le bureau de poste fait l’évangélisation du numérique pour les populations qui n'ont pas ces outils connectés, qui ne connaissent rien aux applications qui permettent de scanner. Quand la Poste déploiera 40.000 tablettes (chiffre estimé pour la généralisation) dans son réseau, les distributeurs pourront lui dire merci d'avoir éduqué ses clients. C'est la plus importante des missions de service public de la Poste : aider les clients à se familiariser avec ce nouveau monde qu'est Internet et ces nouveaux terminaux. Le conseiller de la Banque Postale me montrait que lorsqu'il est disponible, il va voir les clients et leur montre comment se servir du site Internet. C'est ce qu'on attend des vendeurs dans un futur proche : qu'ils soient à l'aise avec tous les canaux de relation avec le client, qu'ils accompagnent le multi-canal concrètement et en harmonie.
  2. Un autre client qui vient retirer un colis, observe le postier qui scanne l'avis, va retirer en moins de 30 secondes le colis dans un emplacement en réserve indiqué par l'application, revient vers le client et lui demande une signature électronique sur l'écran. Effet Wahou garanti ! Le client sort de sa poche son propre smartphone et lui dit "J'aurais jamais imaginé qu'à la Poste vous ayez le même téléphone que moi !". La Poste recueille dans ses études un taux d'agrément de 50% sur la dimension "innovation", c'est à dire que la moitié des clients la jugent la Poste favorablement sur ce sujet, un chiffre qui ne peut qu'augmenter avec ce genre d'initiative. Quand le client reconnait dans son interlocuteur une personne capable, une personne équipée, une personne de confiance, la partie est gagnée.

La symétrie des équipements
La "symétrie des équipements", ou "symétrie des capacités" est une formule qui m'est venue comme en écho au concept central de "Symétrie des attentions", théorisée par l'Académie du Service (lire le blog de Benoît Meyronin à ce sujet), et qui prétend que prendre soin de ses équipes, c'est d'abord prendre soin de ses clients.
Dans un monde qui se digitalise, la symétrie des équipements, c'est en fait mettre les collaborateurs au niveau des clients et permettre aux collaborateurs de mettre les clients à niveau.
C'est pour moi un enjeu majeur. Plutôt que de s'époumoner à condamner le showrooming (le client vient en magasin et commande sur Internet) comme le font les distributeurs frileux, ériger les sites Internet comme Amazon en véritable satan comme le font les libraires, il faut urgemment permettre aux collaborateurs d'être familiers avec le monde digital, les mettre au niveau du client. C'est ce que j'avais développé dans mon billet intitulé "d'un magasin pour les clients à un magasin AVEC les clients" : il ne faut pas connecter le point de vente, il faut connecter la relation avec le client.
C'est ce qu'a fait Sephora avec ses ipods destinés aux vendeurs et vendeuses, ou c'est ce qu'annonce Darty avec son nouveau concept (deux exemples parmi de nombreux). Cette révolution est en marche !
Et si la Poste le fait, qu'attendez-vous pour le faire ?