IRRITANT : pas de pitié pour les clients volés

Comme 6110 personnes par jour (et 2,2 millions par an selon la police et la gendarmerie), mon épouse a été victime d'une "atteinte aux biens", en l'occurrence un "vol à la tire sans violence". Mon billet Irritant est consacré à ce que les entreprises et administrations mettent en place à l'occasion d'un événement malheureux de ce genre pour le client.
J'avais déjà vécu dans mon entourage une situation exceptionnelle (le décès de mon père) qui m'avait donné l'occasion d'écrire un billet "le sens du client mort" dans lequel je m'étonnais du peu d'empathie des sociétés à qui j'avais à faire en tant que membre de la famille ayant à gérer les démarches.
Vous avez compris que si ce billet est dans la catégorie Irritant, c'est que visiblement rien n'est prévu pour gérer cette autre situation malheureuse.
Au commissariat
Je passe sur la réception dans des locaux vétustes, accueillis par des personnes en tenue civile décontractée. Aucune trace d'attention particulière, et après avoir exposé les faits (le vol des papiers d'identité et des cartes), la question fut "vous avez une pièce d'identité s'il vous plait ?". Sans commentaire. Le dépôt de plainte qui a suivi était à peine plus chaleureux.
Du côté du magasin où a eu lieu le vol
La directrice du magasin n'a montré aucun signe d'empathie et ne pouvait que nous confirmer que les faits ont eu lieu pendant la pause de l'agent de sécurité. Après avoir écrit à l'enseigne les déboires de mon épouse et posé des questions sur la sécurité de ce magasin, la réponse (sous deux jours, ce qui est un bon point) ne comportait aucune trace de compassion ou d'empathie. En voici un extrait : "Le cadre réglementaire, plutôt froid, nous est familier. Le magasin n'est pas responsable des effets personnels des clients ni de leur négligences ou défauts d'attention. En l'absence de dépôt accepté par [NOM DE L'ENSEIGNE] (ex : consigne sous la surveillance d'un gardien), [NOM DE L'ENSEIGNE]  n'a aucune obligation de garde ou de surveillance et ne répond pas des pertes, oublis des clients ou actes délictueux commis par des tiers.". Comprenez : c'est de votre faute et le malheur de nos clients dans nos murs ne nous intéresse pas. On sent bien que la lettre type a été conçue par le service juridique, et la précaution prise par l'enseigne pour éviter tout recours pour préjudice dans la formulation a détruit toutes les traces d'humanité, sans émouvoir personne au service clients.
A la banque
L'accueil du numéro de téléphone des oppositions (serveur interbancaire à 0.34€ la minute) est un accueil standard, industriel. Comme si les gens qui composent ce numéro pour faire opposition géraient un banal incident du quotidien. L'accueil de la banque est le même, c'est à dire neutre. Le fait d'avoir une carte Visa Premier ne change rien qui plus est. Mon épouse demande à ce que sa carte soit envoyée au domicile (option impossible), puis elle demande une livraison dans une autre agence. Le jour promis (cinq jours après), la carte n'est pas au lieu dit. "L'adresse est bien indiquée mais il y a eu une erreur dans la livraison" lui dit-on. Voilà comment on traite une urgence, on pourrait dire la seule urgence, le seul grand incident qu'un banquier doit savoir gérer parfaitement. Les hommes n'ont pas été formés, les process n'ont pas été étudiés pour traiter la question. Ou alors, ils ont tout oublié...
Dans les enseignes et les cartes de fidélité
En cas de vol, on signale généralement aux enseignes l'événement et celles-ci ne semblent pas avoir lu l'étude réalisée à l'occasion de la journée de la fidélité. On y apprenait (en 2013) que 62% des Français considèrent que les marques ne leur sont pas fidèles, et dans l'étude 2012 à peine plus de la moitié des Français n'avaient pas l’impression d’être traité ou considéré comme un client privilégié en adhérant aux programmes de fidélisation. Une carte de fidélité n'est-elle pas une preuve d'attachement à l'enseigne de la part du client ? Un programme de fidélité devrait servir aussi à entretenir une relation et pas qu'échanger des communications transactionnelles (des points, des coupons, des remises...). Aucune réponse suite au signalement du vol ne comprenait une formule personnelle témoignant d'un minimum d'empathie.
Dans la compagnie d'assurance
Je ne voulais pas citer le magasin ni la banque à qui nous avons fait part de notre mécontentement. La banque a réagit tardivement mais avec des excuses et un geste commercial. Le magasin, quant à lui, campe sur ses positions et la lettre reçue par la directrice du magasin est du même tonneau, le tonneau du mépris et du désintérêt total. Les employés de ce petit magasin de quartier (sous enseigne nationale), quand on discute avec eux, sont tout aussi désolés que nous car il ne se passe pas une semaine sans qu'un vol n'y soit commis. Ça n'a pas l'air d'émouvoir l'enseigne qui pourtant se targue dans sa communication d'être proche de ses clients.
En revanche, je peux citer la compagnie d'assurance car c'est un contre-exemple. Vous ne vous étonnerez pas de savoir qu'elle est numéro 1 de la relation client chaque année sur les podiums dont je me fais le témoin. Je veux parler de la MAIF. Lors de l'appel pour signaler le vol (appel que j'ai passé moi-même), la première question était "comment va votre épouse ?". Il suffit de ce genre de phrase, de cette preuve de considération pour faire une grande relation client. La suite est à l'avenant : la prise en charge par la MAIF était déjà créditée sur le compte 6 jours après le premier appel (alors que mon épouse n'avait toujours pas reçu sa carte bancaire de la part de sa banque). Un véritable sans faute !

Chaque jour, les clients vivent des situations difficiles, parfois douloureuses. Chaque jour, une occasion unique et rare se présente pour chaque entreprise de prouver l'attention qu'elle porte à ses clients. Chaque jour, la majorité des entreprises faillit à sa mission de rendre service et de prendre soin de ses clients. Chaque jour se présente un vrai "moment de vérité" au cours duquel une entreprise peut faire la différence et apporter la preuve que "le client est au cœur de ses préoccupations", pour citer le poncif le plus entendu dans les entreprises.
Alors qu'il suffirait d'un simple geste, une modeste formule dans un courrier, une phrase rassurante et pleine d'empathie au téléphone pour gagner les quelques points de confiance qui sont si difficiles à glaner de nos jours.